Quand des journalistes se noient dans leurs incohérences (1)

Réponse à l’article de François Comte de RFJ sur la manifestation du 13 septembre à Delémont, intitulé « Quand les masques tombent à la manif anti-pass. »

François Comte n’a pas aimé la manifestation de lundi. C’est peu de dire que sa sensibilité délicate de fin lettré en a été meurtrie, lui qui, d’entrée de commentaire, entend s’inscrire dans le sillage du grand écrivain Albert Camus, citant « Le premier homme » en la personne de Cormery, l’un de ses personnages : « Un homme ça s’empêche ». Tout son propos consiste a laissé entendre que les manifestants, par contraste avec Cormery, n’ont précisément eu aucune retenue dans l’abjection. L’objectif de notre fin lettré est donc de soutenir que les manifestants ont été déchus par leurs propos, actes, dénonciations de la qualité d’être humain. Intéressant procédé que voilà. Car si notre journaliste avait réellement quelques lettres, s’il n’était pas seulement un égreneur de citations, il saurait que l’exclamation de Cormery fait suite à l’affirmation de Levesque soutenant que les Fellaga avaient raison de couper les couilles des soldats français et de leur fourrer dans la bouche, car c’est ainsi que les hommes auraient à agir. Cormery s’en indigne pour lui rétorquer : « Un homme ça s’empêche… ». Tout le propos de notre délicat lettré sombre donc dans le ridicule le plus insane, puisqu’il revient à identifier les manifestants aux Fellaga coupeur de couilles. Or notre journaliste entend précisément dénoncer les amalgames, les éructations excessives, les assimilations scandaleuses… Pour étoffer son propos, notre journaliste convoque alors à la barre Talleyrand, ce glorieux personnage de l’histoire de France, dont la succession des trahisons lui valut la réputation d’être «une merde dans un bas de soie ». Mais notre journaliste n’en a cure, du moment qu’il peut nous gratifier d’une nouvelle citation : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». L’autogoal mérite de figurer dans une de ces compilations hilarantes que l’on trouve sur Youtube. En effet, si notre donneur de leçons avait réellement d’authentiques références littéraires, s’il ne tirait pas ses citations d’une collection à l’usage des poseurs, il se serait rendu compte du total contre-sens que son commentaire produit. Comment en effet ne pas voir qu’asséner aux manifestants, qui défilent contre le passe de la honte, la phrase par laquelle Cormery entendait se distinguer des coupeurs de couille fait précisément tomber sieur Comte dans ce registre de l’assimilation foireuse, de l’excessivité intégrale ? C’est assurément là faire la démonstration d’un aveuglement confondant ! Ce que tout le reste de l’article confirme d’ailleurs. Car faut-il être aveugle pour ne pas voir que les forces de l’ordre sont désormais engagées dans notre pays à devoir accomplir un travail de ségrégation qui n’a plus été vu dans les pays occidentaux depuis les années 30, que ce passe de la honte a des tristes résonnances avec d’autres marqueurs utilisés dans l’histoire contemporaine ( ce que des Israéliens, lors des manifestations en Israël ont eux-mêmes dénoncé), que c’est potentiellement porteur de dérives dévastatrices ? Quant aux attaques dont certains journalistes ont pu être les victimes, personnellement, je les déplore également. J’ai lu les livres de Serge Halimi, de Pierre Bourdieu et de Daniel Mermet sur le triste sort fait aux journalistes en régime de contrôle oligarchique, les pratiques de censure et d’autocensure, de soumission à la doxa, d’orientation de l’opinion et de désinformation que ce régime induit. Les journalistes pris individuellement sont le plus souvent désormais des otages de cette gigantesque machine de propagande. Plusieurs amis journalistes m’en ont fait l’aveu explicite. Reste que de nombreux médias ( pas tous heureusement), dans des proportions inquiétantes, font, à mes yeux, et à ceux de nombreux observateurs, un réel travail de sabordage de l’information dans la crise que nous vivons. Pas étonnant dès lors que les esprits s’échauffent et prennent à parti certains acteurs du monde médiatique, sans être toujours capables de procéder aux nuances que je fais ici. Sur tant de sujets cruciaux aucune enquête réelle n’est plus menée. Quelle enquête réelle depuis le début de la crise sur les conflits d’intérêts gigantesques entre le Pharma, le monde universitaire, le monde de la recherche, les comités scientifiques (la Task force elle-même en est grevée), quelle enquête sur la valeur des tests Pcr qui constituent le cœur du dispositif de mise en berne des libertés fondamentales, alors qu’il est de notoriété publique que ces tests sont impropres à établir des diagnostics et qu’aux taux d’amplifications pratiquées ( contraires aux prescriptions de l’OMS elle-même) quantité de positifs ne sont pas infectés ? Quel débat a été organisé par les médias pour discuter de la cohérence du passe sanitaire alors que l’Ofsp a clairement expliqué que les vaccinés et les non-vaccinés sont tout aussi contaminants avec le virus Delta, alors que les pays ayant le plus vaccinés connaissent des flambées de positifs ? Quel débat sur la stratégie du tout vaccinal a été organisé alors que les pays les plus avancés, comme l’Irlande, Israël voient affluer les vaccinés à l’hôpital, quel débat sur le fait que nous sommes toujours en phase expérimentale et que l’imposition du passe est une façon masquée d’imposer la vaccination, ce qui est contraire à tous les traités signés ? La faillite d’une partie du monde médiatique est donc patente, ce qui de facto transforme nos démocraties en des coquilles vides. Pourquoi dès lors s’étonner que certains rêvent de restaurer une démocratie authentique par la force ? Faut-il rappeler à notre égreneur de citations que la résistance à l’oppression fait partie du corpus des droits de l’homme ? Et quand un journaliste use de procédés relevant de la police de la pensée pour prétendre sonder le fond de l’âme d’un simple citoyen en faisant plusieurs captures d’écran de son compte Facebook, quel triste exemple ne donne-t-il pas de sa profession ?

Le monde médiatique a par conséquent énormément à balayer devant sa porte. Et ce ne sont pas les leçons de monsieur Comte qui me feront changer d’avis, surtout lorsque ce personnage manie des citations comme des grenades dégoupillées qui finissent par lui exploser en pleine figure.