Le peuple des arcades !

L’autre jour à Berne, lors du rassemblement pacifique tué dans l’œuf par près de 400 Robocops ployant sous leur arsenal répressif, nous avons pu quitter juste à temps la nasse qui se refermait sur nous à la place de la gare et nous nous sommes rendus devant le palais fédéral en passant, sous les arcades, par les rues marchandes. J’ai eu alors une sorte de vision crépusculaire de l’humanité qui ne m’était jamais apparue de façon aussi nette. Alors que sur la place de la gare des hommes, des femmes, vieux, jeunes, junkies, paysans, bcbg, artistes cherchaient à fendre l’armure des robocops en leur offrant des fleurs, en leur chantant leur attachement à la liberté, sous les arcades, les clones fièrement masqués vaquaient à leurs petites emplettes, parfaitement indifférents à ce qui se jouait à quelques centaines de mètres d’eux. J’eux l’impression de ramer à contre-courant d’une déferlante de boue. Ils avaient beau être tous bien propres sur eux, la servitude masquée que les clones arboraient fièrement dégageait une pestilence ne relevant pas de la simple laideur, car renvoyant à ce qui n’est pas sensible.

Sous les arcades de Berne, où les boutiques rutilantes se succèdent les unes autres, le masque m’apparut pour ce qu’il est réellement, la marque du reniement de toute vie de l’esprit, son enfouissement dans la matière. Vous aspirez à vous goinfrer braves gens, à baver devant les vitrines, à vous procurer les frissons de l’achat compulsif, on vous a dit que le masque était le prix à payer pour pouvoir continuer à tomber en pamoison devant le dernier sac Gucci ou le dernier Smartphone, ce ne sont donc pas les petits agités de la place de la gare qui vont vous écarter de votre fiévreuse quête, empressés que vous êtes à aller exhaler vos derniers râles dans vos temples de la consommation. Vous êtes les armées de réserve du globalisme. Vous, le peuple des arcades, vous êtes les complices des mensonges de la haute finance qui a tout dévoré, mis tous les rouages des Etats au service de sa rage prédatrice. Vous en êtes les créatures tout comme vos dirigeants. Vous vivez dans un enfermement bestial qui vous convient, quand il deviendra minéral, peut-être alors, peut-être seulement, commencerez-vous à déchanter. Mais il sera trop tard !