J’ai débarqué à Berne ce samedi avec les gosses, pique-nique dans le sac à dos, histoire de combiner rando culturelle et défense de la liberté. On sort de la gare, putain que des flics ! Y en a des paquets partout, à perte de vue, avec des casques d’astronautes, des gilets pare-balles, des grenades ou je ne sais quoi dans chaque poche, des boucliers, des flingues. Là j’ai dit aux gosses :« Les gars, y ont l’air bien à cran, pas la moindre facétie, pas le moindre pétard, même pas un petit pet ». On a tous bien serré les fesses en traversant la place de la gare de manière à n’offrir aucun prétexte aux Robocops pour qu’ils fassent usage de leur arsenal. La nature des terroristes qui s’apprêtaient à prendre d’assaut le Capitole, enfin je veux dire le Palais fédéral, nous est alors immédiatement apparue dans sa sauvagerie profonde justifiant le déploiement sécuritaire hors norme. Un groupe de dames a particulièrement retenu notre attention, ces furies se sont lancées dans des danses échevelées en appelant à Thor pour qu’il fasse s’abattre sa foudre sur les forces de l’ordre; j’ai également pu identifier des Valaisans très retors qui proposaient des spécialités de leur terroir n’ayant reçu aucune certification de Swissmedic pour prétendument soutenir le système immunitaire des enragés; des parents ignobles provoquaient les courageux Robocops en se blottissant derrière leur progéniture, s’en servant comme bouclier; des personnes âgées préparaient des cocktail molotov dissimulées derrière les tramways et j’ai même deviné les contours d’un magnum 747 dans le sac à main d’une vieille dame.
A un moment, n’en pouvant plus devant ce spectacle de haine rabique, j’ai été recherché un peu de réconfort auprès d’une jolie fliquette, mettant genou à terre devant elle je lui ai tendu une délicate jonquille (sur cette vidéo, que vous retrouvez à la fin également). Elle n’a pas daigné l’accepter. Le traumatisme, j’suis pas habitué, moi qui ai plutôt tendance à emballer facile ! Je me suis rassuré en me disant qu’elle avait certainement reçu des ordres du style : « Si les terroristes vous attaquent avec des fleurs, restez le plus possible impassibles. S’ils insistent trop, faites-leur bouffer ». Quelques robocops firent ainsi virevolter leur belle matraque toute neuve sur la gueule des terroristes armés de fleurs.
Heureusement qu’il nous reste le rire (ici et à la fin) et cette faculté de « danser dans nos chaînes » comme disait Nietzsche. Le type était barge de chez barge, aimant, à la fin de sa vie, à partager avec le personnel médical de son asile les étrons qu’il déposait avec componction dans son lit et qu’il prenait pour des productions artistiques sans égales, mais il a quand même eu de jolies formules. En l’occurrence, je ne vois guère plus que le rire et une certaine forme d’insouciance goguenarde pour tenir bon fasse à la déferlante fangeuse de nos autorités.